Écrit par Tammy, mère de Jenna
L'histoire de Jenna (MCADD)
Notre magnifique petite fille vint au monde à 16 h 04 de l'après-midi, le 17 février 2002. Jenna pesait 3,82 kg (8 lb 7oz) et mesurait 49,53 cm (19,5 po). Dès le début, j'ai su qu'il y avait quelque chose de spécial chez cette petite fille. Elle avait des cheveux roux éclatants et de beaux yeux bleus. J'ai demandé à l'infirmière s'il y avait une erreur. Est-ce que quelqu'un avait échangé notre bébé? Mes enfants ont les cheveux foncés et les yeux marron. Nous avons tous ri et l'infirmière nous a rassuré que c'était bien notre enfant. Deux heures plus tard, Jenna et moi étions installées dans notre chambre.
Jenna était un bébé très somnolent. J'avais des difficultés à la réveiller pour l'allaiter. Les infirmières m'ont rassurée en me disant que c'était normal à cause de l'accouchement. Après de nombreuses tentatives, j'ai réussi à la nourrir.
Le lendemain soir, notre pédiatre vint à l'hôpital pour examiner Jenna. Il l'ausculta, fit bouger ses jambes et déclara qu'elle était "en bonne santé". Il m'invita à contacter son cabinet pour prendre rendez-vous pour la première visite de contrôle de Jenna. Puis il quitta. Plus tard ce soir-là, l'infirmière prit Jenna pour lui faire le test de dépistage au talon (à cette époque, les maladies dépistées étaient la PCU et l'hypothyroïdie congénitale). Nous ne savions pas à ce moment-là à quel point ce test aurait pu être important pour assurer la survie de Jenna.
Nous avons quitté l'hôpital l'après-midi suivant. J'étais aux anges. Tout allait tellement bien. Notre famille était complèt. Nous étions bénis. Jenna était un bébé robuste. Dès sa naissance elle a été capable de lever la tête. On aurait dit qu'elle ne voulait rien manquer. À deux mois, elle avait appris à se retourner sur le ventre. Elle ne voulait pas dormir sur le dos, peu importe les efforts pour la maintenir dans cette position. À quatre mois elle avait déjà percé deux dents. À six mois, elle avait commencé à goûter à la nourriture solide et prenait plaisir à cette nouvelle sensation. Comme la plupart des bébés, elle adorait faire des bêtises quand elle avait de la nourriture dans la bouche. À sept mois, elle rampait partout en essayant de suivre ses aînés. Elle adorait ramper jusqu'à l'endroit le plus ensoleillé de la pièce pour baigner dans la chaleur du soleil. Comme si elle se souvenait d'où elle venait. À huit mois, elle commençait à grimper les escaliers. À neuf mois, elle se déplaçait en s'accrochant aux meubles. Nous étions certains qu'elle marcherait très bientôt. Jenna était une petite fille merveilleuse qui adorait dire « papa » et faire fondre le cœur de son papa. Elle éclatait de rire quand on lui soufflait sur le ventre. Mentalement, elle semblait se développer normalement et était très éveillée.
La semaine du 11 novembre 2002, notre fils Justin fut très malade à cause d'un virus. Jenna allait bien, sauf un peu de congestion nasale.
Le mercredi 20 novembre 2002, Justin commença à aller mieux. Lui et Jenna passèrent une journée ordinaire. Ils jouèrent ensemble et mangèrent normalement. J'étais soulagée. Je pensais que nous en avions fini avec ce virus.
Plus tard ce soir-là, je montai à l'étage pour mettre Justin en pyjama. Jasmine, notre fille aînée, tenait sa petite sœur pour moi. Alors que nous redescendions, Jasmine me cria que le bébé venait de vomir partout. Je nettoyai tout le monde. Jenna semblait aller bien. Je croyais qu'elle avait vomi parce qu'elle avait des gaz. J'espérais qu'elle ce n'était pas la grippe. Je lui ai offert un biberon, qu'elle but en entier, sans vomir ensuite. Elle avait l'air vraiment fatiguée, donc je l'ai couché.
Le jeudi matin, Jenna se réveilla vers 7h45 du matin, ce qui était tard pour elle. Elle ne semblait pas dans son assiette. Elle était très léthargique. J'appelai le pédiatre dès l'ouverture du cabinet à 9h 00.
Une fois au téléphone, je dis à l'infirmière que Jenna n'allait pas bien et que Justin avait été malade de ce que je soupçonnais être la grippe. Elle me demanda si Jenna avait mouillé sa couche. Je répondis que non et qu'elle était très léthargique depuis son réveil. Elle me demanda si elle avait produit des selles récemment, je lui répondis que non. L'infirmière me conseilla de venir au cabinet à 13 h 30 et de continuer à l'hydrater en attendant. Je lui demandai si je pouvais lui donner un pédialyte vieux de neuf mois. Elle me répondit que oui.
À 13 h 30, le jeudi 21 novembre 2002, j'amenai les trois enfants au cabinet du pédiatre. Lorsque le docteur entra dans la salle d'examen, Jenna somnolait dans mes bras. Il déclara qu'il examinerait ses oreilles pendant qu'elle ne bougeait pas. Je la posai sur la table d'examen, et elle fut tout à coup plus alerte. C'était sans doute le changement d'environnement ou le fait de quitter la chaleur de mes bras. Le docteur écouta son cœur. Il m'informa qu'elle avait de la fièvre et de lui donner du Tylenol ou du Tempra. Il me dit qu'il ne pensait pas que c'était grave. C'était la grippe. Il me recommanda de continuer à l'hydrater. Je lui ai demandé à nouveau si je pouvais lui donner du pédialyte et il répondit que oui, mais que je pouvais essayer le gastrolyte, moins dispendieux que le pédialyte. Le docteur examina ensuite mes deux autres enfants. Après m'avoir assuré qu'ils allaient bien, il quitta la pièce. Je n'étais pas satisfaite du diagnostic, mais je ne dis rien. Ce que je regrette profondément aujourd'hui.
Nous sommes rentrés à la maison vers 15h30. J'ai préparé à manger pour mes deux aînés. Après avoir préparé le repas, je me suis assise sur le canapé avec le bébé. Son état n'avait pas évolué depuis que nous étions rentrés du cabinet du médecin. Elle était toujours très léthargique, donc il était difficile de la faire boire, mais j'y suis parvenu tout de même, et cela me parut être un signe positif. Quand mon mari rentra, le bébé s’éveilla un peu à sa vue.
Nous devions faire installer un parquet le jour suivant, donc mon mari était très occupé à préparer la maison pour le lendemain matin. Vers 23 h 00 du soir, il se préparait aller se coucher. Je lui demandai son avis au sujet du bébé. Elle venait de terminer environ 50 g de Similac et ne vomissait plus. Je ne me sentais pas très à l'aise en la couchant. Mon mari me rassura en me disant que Jenna avait besoin d'une bonne nuit de repos, car je l'avais gardée avec moi toute la journée. J'acquiesçai et la mis au lit. Environ une demi-heure plus tard, je l'entendis pousser un cri. J'allai vérifier : elle semblait aller bien.
Le vendredi 22 novembre 2002 à 4 h 00, Jenna cria à nouveau. Je fonçai hors de mon lit pour aller voir. Elle était allongée dans son lit, les yeux fermés. Je décidai de changer sa couche et d'essayer de la faire boire à nouveau.
J'essayai de lui donner un biberon, mais elle ne voulait pas boire. Elle bougeait la tête de droite à gauche comme si elle voulait dire non. Je craignais qu'elle ne se déshydrate, donc je lui proposai du pédialyte dans une tasse avec un bec. Mais elle ne voulait toujours pas boire. Je finis par réussir à lui faire absorber un peu de pédialyte et elle sembla satisfaite. Un moment plus tard, elle commença à faire des bruits, comme si elle allait vomir. Je me dis que si elle vomissait, elle se sentirait mieux. En même temps, mon instinct me disait que quelque chose n'allait pas.
J'entendis mon mari dans la salle de bains. J'y emmenai Jenna pour mieux l'examiner à la lumière. Elle ne me parut pas bien et je le dis à mon mari. Se souvenant à quel point la grippe avait fatigué notre fils la semaine précédente, mon mari me rappela que Jenna avait sans doute juste besoin de plus de repos. Nous avons néamoins pris la décision que si son état ne s'améliorait pas, je la ramènerais chez le médecin dès l'ouverture du cabinet.
Malheureusement, je n'ai pas en occasion d'y retourner. Vers 6 h 30, l'enfer se déchaîna dans notre foyer. Le bébé cessa de respirer. Je tentai de pratiquer une réanimation cardio-respiratoire pendant que mon mari appelait le 911. Après ce qui nous parut être une éternité, les secours arrivèrent enfin à la maison. Ils emportèrent Jenna en ambulance et nous dirent de les rejoindre à l'hôpital des enfants.
Mon mari suivit l'ambulance en voiture pendant que j'attendais que quelqu'un vienne garder nos autres enfants. Finalement, un policier arriva et je réussis à le persuader de le conduire à l'hôpital. Ce fut le trajet le plus long de ma vie, mais je gardai mon calme. Je voyais des épisodes de la série Urgences. Je pensais que j'arriverais à l'hôpital et qu'on me dirait que mon bébé irait bien après un court séjour à l'hôpital.
Lorsque nous arrivèrent à la salle d'urgence, mon mari m'attendait dehors. Je me dis que cela pouvait signifier deux choses :
1. Qu'ils s'occupaient de Jenna et que mon mari ne savait pas ce qui se passait.
ou
2. Que Jenna était morte.
Malheureusement, la deuxième hypothèse était la bonne.
Nous étions en état de choc. Commet ceci pouvait-il arriver à notre enfant qui paraissait en si bonne santé deux jours auparavant ? C'était la première fois que Jenna était malade. Il y avait sûrement eu une erreur quelque part. Au départ, on nous dit que la cause de la mort était le syndrome de Reye.
Environ un mois plus tard, nous ravons reçu un appel du bureau du médecin légiste nous avisant que la cause du décès avait été modifiée et qu'il s'agissait d'un trouble d’oxydation des acides gras nommé déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD). Notre désespoir s'accrut lorsque nous avons appris que cette maladie aurait pu être dépistée ave un simple test sanguin à 25,00 $ (40,00 $ CAD), semblable à la piqure au talon pratiquée pour la PCU. Depuis le décès de Jenna, sa carte de dépistage du PCU (produite suite à la ponction du talon après la naissance) a été obtenue auprès du Ministère de la Santé. Elle a été utilisée pour faire un dépistage de la MCAD. Le résultat du test était positif. Ceci prouve que si Jenna avait été testée à la naissance, nous aurions découvert la maladie dès le départ. Un traitement aurait été élaboré, et elle aurait eu toutes les chances de vivre une vie normale, en bonne santé. On nous expliqua que le plan général de traitement est le respect d'un régime pauvre en lipides et riche en hydrates de carbone. Au moment de la survenue de crises métaboliques comme la grippe ou les infections des oreilles, le traitement est en général simplement l'administration de glucose par voie intraveineuse. J'insiste sur le fait qu'avec un dépistage précoce, Jenna serait toujours en vie aujourd'hui.
Le taux de porteurs de la MCAD dans la population caucasienne est estimé à 1 sur 60 ou 70 et la MCAD est estimée survenir dans 1 naissance vivante sur 9 000. Le taux d'invcidence de cette maladie est aussi élevé que celui de la PCU, pour laquelle les nouveau-nés sont actuellement dépistés dans toutes les provinces.
Notre enfant n'est pas le premier cas de MCAD au Canada. Grâce au site Web du Groupe de soutien des familles sur les troubles d'oxydation des acides gras (Fatty Acid Oxidation Family Support Group) (http://www.fodsupport.org/), nous avons découvert des enfants et des familles qui ont été affectés par cette maladie au Canada et dans le monde entier. Nous avons entendu de nombreuses histoires tragiques comme celle de Jenna, mais aussi de nombreuses histoires d'espoir. L'espoir vient des familles qui ont eu la chance de connaître le diagnostic de leur enfant avant la survenue d'une crise métabolique. Le diagnostic précoce de ce type de maladies par un dépistage néonatal étendu sauve des vies, et offre une meilleure qualité de vie aux enfants diagnostiqués suffisamment tôt pour prévenir des dommages neurologiques graves. Aidez-nous en utilisant votre voix en faveur de l'étendue du dépistage néonatal dans votre communauté. Vous aiderez à épargner à des enfants innocents et à leur famille une vie entière de chagrin inutile.
Sincèrement,
Tammy et Roger Clark
Jenna 9 mois ‑ décédée de la MCAD
Justin
Jasmine
Note de l'éditeur ‑ Grâce au dur labeur et aux efforts sans limite de familles comme les Clark, le gouvernement de l'Ontario a décidé de mettre en place un dépistage néonatal étendu en 2005, et effectue actuellement le dépistage de 28 maladies chez tous les bébés nés dans la province, y compris la MCAD.
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